
21/09/1995 - 08/11/1995
Souvenirs d'un futur proche
    Je t'aime durant le coucher de draps
    Lorsque tes rêves s'accrochent à moi
    Lorsque je t'emmène vers les étoiles
    Que tu me demandes de t'y laisser
    Encor comme une rose sans pétales
    Gardant ses épines pour mieux piquer
    Lorsque nos chants de révolution blêmes
    Se taisent je t'aime petit' je t'aime
21/09/95
Révolution, révolution...
    D'autres poèmes viendront... et alors ?
    Est-ce que quelque chose sera changé ?
    Ont-ils déjà pu réveiller les morts
    Ces poètes voulant tout chambouler ?
    La poésie n'est qu'un truc romantique
    Des mots d'amour quand la vie est trop seule
    Ce sont les chansons qui sont politiques
    Car la révolution mec ça se gueule
21/09/95
La main du lion (léo mano)
    Le drapeau noir en bandoulière
    Comme une cocarde sans dieu
    Ces frères trouvant dans la bière
    Le courage de dire adieu
    Ces serments qu'on respecterait
    Au risque d'y laisser sa vie
    Et le sang qui soudain coulait
    Pour que fleurisse l'anarchie
    Ces années sombres qu'on enterre
    Juste aux pieds de la société
    Pour lui montrer ce qu'on peut faire
    Quand on meurt pour la liberté
    Et ces chansons que l'on chantait
    Brandies en signe de victoire
    Parce qu'un homme qui se tait
    Ne prie que des maîtres sans gloire
    Ces bouches qui cherchaient leurs mots
    Et finalement les empruntent
    Auprès de Léo ou Mano
    Et de leurs dépouilles défuntes
    Ces fruits sucrés que l'on récolte
    Et qu'on jette en guise de dépit
    Car le ciel de notre révolte
    Ne se voit pas sous un képi
21/09/95
Mort aux génisses
    Nous débarquerons les bras nus et forts
    Sur fond d'amour et de guerre sociale
    Démolissant les piliers du décor
    Qui voudraient nous contraindre à la morale
    La Morale, nous la réécrirons
    De nos plumes trempées dans le sang vierge
    Nous la débarrasserons des étrons
    Sur lesquels on brûle encore des cierges
    Et nous vivrons sans concessions, ni lois
    Pour déchirer les pages indélébiles
    Qui scandent partout la mauvaise foi
    Engluée dans une société fossile
26/09/95
Chemins de victoire (d'après Bob Dylan)
    Sentiers de cafard
    Routes de bataille
    Chemins de victoire
    Où il faut que j'aille
    Le sentier est poussiéreux
    Et ma route sera dure
    Mais d'autres promettent mieux
    Et ce n'est pas loin c'est sûr
    Sentiers de cafard
    Routes de bataille
    Chemins de victoire
    Où il faut que j'aille
    Je marchais vers la rivière
    J'ai tourné ma tête au loin
    J'ai vu enfin la lumière
    Briller dans un ciel lointain
    Sentiers de cafard
    Routes de bataille
    Chemins de victoire
    Où il faut que j'aille
    Le crépuscule tombait
    Et je longeais les coteaux
    Un unique vent soufflait
    Et il soufflait dans mon dos
    Sentiers de cafard
    Routes de bataille
    Chemins de victoire
    Où il faut que j'aille
    Cette route est caillouteuse
    Et plus dure que la lande
    Mais d'autres plus fructueuses
    Bordées de cyprès attendent
    Sentiers de cafard
    Routes de bataille
    Chemins de victoire
    Où il faut que j'aille
    Ce train de nuit rendait sourd
    Avec le bruit de ses roues
    Mais j'ai vu de meilleurs jours
    En scrutant hors de la boue
    Sentiers de cafard
    Routes de bataille
    Chemins de victoire
    Où il faut que j'aille
26/09/95
Lettre du non-voyant
    Et il est temps de tenter l'expérience
    De faire sonner le chant rimbaldien
    Devenir aveugle et sourd et par chance
    Rester muet et ne ressentir rien
    Il est temps d'évacuer toute émotion
    Pour se laisser pénétrer par le vide
    Purifier par le Néant de néon
    Rester ouvert, tolérant et avide
    La révolution naîtra du désert
    On ne construit pas de cité nouvelle
    Sur les restes de buildings tous en fer
    Nettoyons jusqu'à la moindre parcelle
    Et lorsque nos âmes seront bien propres
    Emplissons-les d'un vin divin et pur
    Jouissons tous ensemble sans amour-propre
    De ce souffle radieux d'un amour sûr
27/09/95
Et Roméo tua Juliette
    Avez-vous vu tout cet amour
    Qui se compresse dans nos veines
    En avez-vous fait tout le tour
    Pour y découvrir notre haine
    Car nous sommes prêts au combat
    Nos coeurs sont entiers à la lutte
    Tout comme à l'amour autrefois
    Et le moindre con qu'on le bute
    Nous avons tellement aimé
    Que nos coeurs ont grandi à belle allure
    Et ils sont prêts à exploser
    Et tout vous recracher à la figure
07/10/95
Bar d'après-concert
    Et j'étais là à m'demander
    Si cette fille à la peau tendre
    Assise à la table à côté
    Avait quelque chose à attendre
    Avait quelque chos' sous sa veste
    Où alors si elle était nue
    Si elle est nue alors je reste
    Je reste encore un' bièr' de plus
    Mais j'étais là à me d'mander
    Si la fille à la tabl' d'en face
    Pourrait bien un beau jour m'aimer
    Mais elle en savait rien la garce
    Ell' savait pas que j'la r'gardais
    De mes deux yeux déshabilleurs
    Que dans cette nuit ell' n'avait
    Que le sein à la point' du coeur
    Ouais j'étais là à m'demander
    Si la nuit avait une fin
    Si oui avec qui la passer
    Si on m'attend au bout du train
    Mais y a jamais de p'tit coeur tendre
    Pour occuper mes insomnies
    Y a jamais personn' pour m'attendre
    J'trouv'rai bien tout seul la sortie
10/10/95
Leila
    Petite fille treize ans quatorze ans à peine
    Et déjà dans ses mains la violence et la haine
    A tué sa propre amie dans les chiott's du lycée
    A tué sa jeune amie qu'un jour elle a aimée
    J'croyais qu'ça n'arrivait qu'aux homm's assez âgés
    Pour que la rancoeur ait eu le temps de fermer
    Que la haine ait mûri dans les miasmes du coeur
    J'croyais que ça venait après vingt ans d'malheur
    Mais les enfants aussi reconnaissent la boue
    Lorsqu'elle vient pourrir de son masque de mort
    Quand ils en ont assez des bisous sur la joue
    Ils viennent vous planter un couteau dans le corps
    Plus rien n'empêchera ces meurtriers enfants
    De faire couler le sang sur leurs âmes meurtries
    Mais sortir de prison quand on n'a que trente ans
    Ce n'est pas comme si la vie était finie
14/10/95
Et on tuera tous les...
    Allez viens on va chanter mon pote
    On va gueuler de toutes nos forces
    Debout et en bombant notre torse
    Pendant que tous les autres cons votent
    Allez viens on s'ra jamais assez
    À crier tous ensemble si fort
    À en fair' péter le coeur des morts
    Pendant que les cons restent muets
    Allez viens la révolution enfin gronde
    Et rugit partout de par le monde
    S'il faut des fusils nous les prendrons
    Pour abattre de sang froid les cons
10/10/95
Le déserteur du pacifique
    Monsieur le président
    J'ai écrit ce poème
    Car la fille que j'aime
    Porte en elle un enfant
    Ses yeux couleur de menthe
    Se remplissent de peur
    Que sera la couleur
    De ces yeux qu'elle enfante ?
    Seront-ils vides noirs ?
    Deux globes oculaires ?
    Emplis de nucléaire ?
    Reste-t-il un espoir ?
    Depuis que vous avez
    Fait exploser vos bombes
    Plus aucune colombe
    Ne sait encor voler
    Vous êtes bon apôtre
    L'enfant ne le sait pas
    Ne lui en voulez pas
    Et soignez bien les vôtres
    Nés en paix les yeux blonds
    Loin des guerres chimiques
    L'océan pacifique
    Porte bien mal son nom
14/10/95
Balade hollandaise
    Lorsque tes douces hanches bougent
    Derrière ton abri de verre
    Attirés par les néons rouges
    Comme un essaim par la lumière
    Les hommes se pressent de faim
    Sur la buée de ta vitrine
    Pas un ne demande ta main
    Au bout de son sexe anonyme
    Jamais tu ne diras « je t'aime »
    Tu ne connais pas les baisers
    Pourtant un coeur cogne quand même
    Derrière ton sein dénudé
21/09/95
Le sport ça m'éclate !
    Paris se réveillait un jour de plus
    Sous le bruit éclatant des bombes
    Et il achetait son ticket de bus
    Pour prendre le train pour la tombe
    Parti courir son sport matinal
    Il avançait à vive allure
    Sur le quai désert d'un pas infernal
    Jusqu'à la première voiture
    D'un saut il monta dans le train
    Heureux de ne pas manquer cette rame
    Quand son siège explosa soudain
    Il ajouta de son sang dans le drame
    Marchant avec ses deux béquilles
    Et sa jambe qu'on a dû amputer
    La loi maintenant le torpille
    "C'est interdit de courir sur les quais !"
21/10/95
Retard ferroviaire
    Si seulement elle lisait
    Juste par-dessus mon épaule
    Avec son beau regard en biais
    Et ses lèvres bleues un peu drôles
    Elle pourrait voir tous les mots
    Ceux qui se pressent sur les pages
    Du carnet à petits carreaux
    Où se reflète son image
    Car ces mots n'ont été écrits
    De leurs baisers dans chaque lettre
    Que pour que son coeur soit séduit
    Sans pourtant jamais la connaître
    Si ses yeux pouvaient seulement s'ouvrir
    Au lieu de se perdre dans la musique
    Elle verrait mon regard s'attendrir
    En lissant sa nuque mystique
    J'aimerais tellement que ce long train
    D'une seule secousse plus habile
    La fasse toucher de sa douce main
    La tendresse de mon amour tactile
    Je devrais plutôt lui offrir ce don
    D'un doux compliment sur sa mignonie
    Tout ça n'avancerait pas la révolution
    Alors mes douze pieds taisent leurs rêveries
27/10/95
Corto
    Et un d'plus qui s'marie en plus déjà un gosse
    Ça me donn' l'impression de plus êtr' très précoce
    Viendras-tu avec moi remplir ton bib'ron d'bière
    Et chanter les berceus's que l'on gueulait naguère
    Je croyais que les fill's ça n'allait pas avec
    Une révolution et tu t'retrouv's le bec
    Coincé entre deux lèvr's réalisant l'espoir
    Qu'au fond on avait tous voilé d'un drapeau noir
    Mais ne regrette rien on voulait tous mon pote
    Se r'tourner vers une épaule en guise d'antidote
    Contre nos escapad's au goût d'écologie
    On voulait tous se r'poser auprès d'un' p'tite amie
    Comme ça maintenant après nos nuits sans fin
    Toi tu sauras toujours que le petit matin
    T'accueillera avec la chaleur d'un p'tit coeur
    Qui pourra épancher ce putain de bonheur
03/11/95
Pigalle à nu
    Et Pigalle vide de femmes
    Commençait à se les geler
    Quand pour échapper à ce drame
    Fallait rentrer dans les cafés
    Elles étaient là les mignonnes
    Sirotant leur verr' goulûment
    Gâchant leurs lèvres de friponnes
    À n'embrasser rien que le vent
    Là moi doucement je rigole
    Quand on n'y voit plus de bas noirs
    Qui sous leurs résilles racolent
    Quand les rues de Paname ignorent
    Les chants révoltés combatifs
    Et qu'une belle fille encore
    Ne doit plus porter de soustifs
    La révolution sera là
    Dans l'abandon des soutiens-gorge
    Quand Pigalle ouvrira ses bras
    Au sang qui nous racle la gorge
03/11/95
Histoire de nationalité
    Mais j'aurais dû naître gitan
    Pour hurler fort comme je t'aime
    Au lieu d'étaler en poèmes
    Mes amours en chuchotements
    Mais j'aurais dû naître espagnol
    Pour voir briller le feu des bombes
    Au lieu de noyer au formol
    Des vers explosant dans leurs tombes
    Mais j'aurais dû naître en Serbie
    Pour connaître ce qu'est souffrir
    Au lieu d'inventer une vie
    À me plaindre d'être un martyr
    Seulement je suis né français
    Et il paraît que je suis libre
    Alors j'écris des vers en biais
    Créant ce qui manque à mes fibres
04/11/95
Ballade d'un petit homme
    Dans le train ce soir j'ai lu une histoire
    Sur un p'tit homme et la fill' qu'il aimait
    Ça m'a rempli de pensées blanch's et noires
    Car ça me rappelait ce que j'vivais
    C'est l'histoire d'un gars plutôt sympa
    Pour sa fiancée il voulait rester
    Blotti pour l'éternité dans ses bras
    Avec rien d'autre de plus parfait
    Au début ils s'aimaient fort tous les deux
    Juste sur leur âme on voyait pleuvoir
    Un gaz magique qui rendait heureux
    Et du reste ils ne pouvaient plus rien voir
    Le petit homme l'aimait tellement
    Qu'il la faisait venir dans tous ses rêves
    Sans pouvoir imaginer vivre sans
    Sans penser qu'ell' puiss' vivr' dans d'autres rêves
    L'été les força à se séparer
    Mais chacun fit à l'autre la promesse
    De s'écrire et bien sûr téléphoner
    Se retrouver avec la même liesse
    Les jours devenaient de plus en plus longs
    Il pleurait sur sa boîte aux lettres vide
    Mais quand bien même elle oublierait son nom
    Elle n'oublierait où son coeur réside
    Lorsqu'ell' revint ell' ne revint jamais
    Au petit homme de plus en plus triste
    Et dans sa tête les questions cognaient
    Déchirant en pleurs l'amour utopique
    Les jours ont recouvert les feuilles mortes
    On n'les voit plus mais ell's vivent toujours
    Ell's sont enfouies sous le sable si fortes
    Qu'elles réapparaîtront un beau jour
    Mais le p'tit homme laisse les feuillages
    Semblant oublier il chante sa rage
04/11/95
L'arroseur irisé
    Quand soliloquant dans mes loques
    J'irai re-fouler le goudron
    De mes bottes bien trop usées
    Reviendras-tu soigner mes cloques
    M'injectant un doigt de bourbon
    Qui viendrait panser mes pensées
    Quand je ne pourrai plus payer
    Ta dose de liqueur acide
    Je sais bien que tu m'oublieras
    Il ne faut pas oublier
    Que lorsque la bouteille est vide
    Alors c'est elle qui te boit
04/11/95
Déclaration des droits de l'Homme
    Les hommes sont nés opprimés
    Et inégaux dans la pratique
    Et s'ils ont le droit de gueuler
    Faudrait pas virer hystériques
    Violant la femme du prochain
    Qui voudrait monter sur la scène
    Où ils dominaient le tapin
    Avant que l'autre con ne vienne
    Et ne se contentant jamais
    Des énormes fruits qu'ils récoltent
    Ils vont jusqu'à croquer les baies
    De Dieu au nom de la révolte
04/11/95
Débit de poison
    À force de soupirer comme un damné
    Il a fini par éteindre le soleil
    Soufflant sa flamme d'un  il ayant pleuré
    Tellement qu'il en a déteint en vermeil
    Quand un jour il a voulu tatouer le bras
    De la fille qui lui vendait du bonheur
    Il a vu que son nom ne s'écrivait pas
    En lettres de sang au beau milieu du coeur
    Fatigué de ces espoirs sans lendemain
    Maintenant il espère trouver le jour
    Où ses veines colporteront le venin
    Qu'avec lui on puisse enfin mourir d'amour
08/11/95